Au Québec, les récents événements ont prouvés qu’une inondation de sous-sol peut arriver en un clin d’œil. L’eau monte et la panique nous guette : par où commencer ? Pour y voir clair, j’ai discuté avec Mario Hervieux, expert en gestion de sinistres depuis plus de 15 ans et président de Multifonctions, une entreprise spécialisée dans les rénovations après sinistre à Blainville. Il m’a confié: « L’erreur la plus coûteuse ? Croire qu’un pouce d’eau n’est pas si grave. En 48 heures, l’humidité se propage dans les murs et nourrit les moisissures. Agir vite, c’est économiser des milliers de dollars. »
Dans cet article, vous trouverez les meilleurs réflexes à adopter dès les premières minutes, des gestes concrets pour limiter les dégâts et protéger la santé de votre famille.

Première urgence (0 à 24 heures) : sécuriser les lieux avant toute chose
La première chose à faire lorsque vous découvrez une inondation dans votre sous-sol est de couper l’électricité. Si l’eau touche les prises, n’entrez pas. Faites couper l’alimentation par Hydro-Québec ou un maître électricien. La règle est simple. Il vaut mieux perdre une heure que de risquer l’électrocution ou l’incendie.
Même si l’eau ne touche pas directement les prises, l’eau peut causer des électrocutions mortelles. Mario Hervieux insiste : « Beaucoup d’incidents surviennent quand l’électricité n’a pas été coupée. Ne prenez aucun risque ». Ensuite, portez des gants en nitrile (plus résistants que les gants de caoutchouc), des lunettes de sécurité et un masque respiratoire N95. L’eau d’inondation contient des agents pathogènes comme E. coli et des débris dangereux.
Évacuer l’eau et sécher en moins de 48 heures : le défi le plus critique
Vient le temps d’identifier la source pour agir en conséquence. Une eau claire et froide évoque souvent la pluie ou la nappe phréatique, tandis qu’une eau trouble avec odeur d’égout oriente vers un refoulement qui impose plus de prudence et, souvent, une décontamination professionnelle. Une fuite interne se devine généralement près d’un chauffe-eau ou d’une conduite. Fermer l’entrée d’eau peut alors stopper l’inondation.
Protéger la maison, éviter les faux pas
Peu importe la cause, agissez rapidement en enlevant immédiatement tous les appareils électriques et les meubles que vous pouvez déplacer. Plus vite, vous les sortirez de l’eau, plus vous aurez de chances de les sauver.
Si l’eau provient des égouts, ne perdez pas de temps à tout nettoyer vous-même. C’est une urgence sanitaire, comme le conseille le guide de la Société d’habitation du Québec, qui recommande de contacter immédiatement un service professionnel agréé.
Pendant ce temps, documentez méthodiquement chaque étape : photographiez la pièce avant chaque action, notez l’heure précise, repérerez la position de la ligne d’eau. Ce journal détaillé vous fera gagner des heures lors de votre réclamation auprès de l’assurance.
Le pompage demande de la patience. Quand on vide un sous-sol inondé, il ne faut pas retirer toute l’eau d’un coup, car la pression exercée par l’eau sur les murs et la dalle contribue à équilibrer celle du sol extérieur (surtout s’il est encore gorgé d’eau). Si on pompe trop vite, la dalle ou les fondations peuvent se fissurer ou même se soulever à cause de la différence de pression. Quand le niveau baisse, on termine avec une raclette et un aspirateur eau-poussière. Surtout pas de rallonges électriques dans l’eau, c’est dangereux.
Assèchement intensif du sous-sol
Dès que l’eau a disparue, c’est le moment de sécher en profondeur:
- Ouvrez les fenêtres pour une ventilation croisée (si la météo le permet),
- Mettez le déshumidificateur (50L/jour) en marche en continu,
- Faites circuler l’air avec des ventilateurs.
L’objectif est de réduire l’humidité dans la pièce le plus vite possible car après 48 heures, les matériaux comme le gypse ou le bois commencent à moisir. Les experts sont unanimes, l’air qui circule, l’humidité qui baisse, et le nettoyage rapide des surfaces non poreuses sont les clés pour sauver votre sous-sol avant que les problèmes ne s’aggravent.
Astuce de pro: Mario Hervieux partage cette astuce peu connue, « Appuyez une feuille de papier standard contre le mur pendant 2h. Si elle reste collée, l’humidité est encore présente ». Ne comptez pas sur les capteurs d’humidité bon marché, ils ne détectent pas l’humidité profonde dans le béton. Utilisez un humidimètre à pointes pour lire le bois et le béton.
Quand l’air circule et que l’humidité baisse jour après jour, on a l’impression de gagner enfin du terrain. Si vous êtes en plein projet de finition, c’est le moment d’être intraitable.
Et si vous êtes en plein projet de finition, cette étape devient carrément décisive. Un sous-sol encore humide compromet l’isolation, abîme le gypse et ruine des semaines de travail. Comme je l’expliquais dans les étapes de finition d’un sous-sol, ne fermez pas les murs tant que les problèmes ne sont pas réglés. C’est le meilleur moyen de repartir sur une base saine avant la finition.

Nettoyage et désinfection, pas question de faire n’importe quoi
Après une inondation de sous-sol, les jours qui suivent servent à sécuriser la santé de la maison. La catégorie d’eau change la donne.
- Une infiltration pluviale, si l’on a séché vite, permet parfois de sauver davantage de surfaces et de mobilier.
- Un refoulement d’égout impose une hygiène plus stricte et l’intervention de spécialistes. Le ménage se fait du plus propre vers le plus sale. Les surfaces non poreuses se nettoient et se désinfectent. Les éléments poreux qui ont touché une eau suspecte doivent quitter la maison.
Une fois l’eau retirée, vient l’étape du grand ménage. On commence par laver toutes les surfaces avec un savon doux ou un détergent neutre pour enlever la boue et les résidus. Ensuite seulement, on peut désinfecter certaines surfaces dures comme le béton ou le métal, à l’aide d’une solution adaptée.
L’eau de Javel peut servir, mais avec beaucoup de précautions : toujours bien aérer, respecter les dosages recommandés et ne jamais l’utiliser sur les matériaux poreux comme le bois ou le gypse. L’objectif, ce n’est pas d’en asperger partout, mais de compléter un bon nettoyage là où c’est vraiment nécessaire.
En parallèle, on fait le tour des points sensibles. L’électricité ne se rétablit pas sur une intuition, mais après vérification par un électricien là où l’eau a pu atteindre des boîtes ou des prises. Les signes structurels demandent aussi un œil averti. Plancher qui ondule, mur qui se bombe, fissure qui suinte. On sort alors et on consulte. Ce n’est qu’une fois les mesures d’humidité revenues à la normale, l’odeur dissipée et les contrôles passés que la reconstruction peut commencer.

Assurance et ordre des priorités
Votre meilleur allié dans cette épreuve est un dossier bien organisé. De photos datées, un petit journal où vous notez chaque geste que vous faites, des relevés d’humidité, des reçus de tout ce que vous achetez ou louez, et même les numéros de série des appareils touchés.
Contactez votre assureur dès que possible et essayez de garder votre calme, même si c’est plus facile à dire qu’à faire. Lorsque vient le temps de gérer votre budget, suivez cette priorité simple. D’abord la santé et la sécurité de votre famille, puis l’assèchement et la décontamination, et seulement après, l’esthétique. Cette hiérarchie pourra éviter des dépenses inutiles et concentrer vos efforts là où ils comptaient vraiment.
Prévenir la prochaine inondation de sous-sol
Pour éviter de revivre une inondation de sous-sol, commencez par:
- Vérifier votre clapet antiretour, ce petit dispositif qui empêche l’eau des égouts de remonter chez vous. Faites-le inspecter chaque printemps par un professionnel pour vous assurer qu’il fonctionne correctement.
- Équiper également votre pompe de puisard d’une batterie de secours, elle continuera à pomper pendant les pannes de courant, vous offrant ces précieuses heures dont vous aurez besoin pour réagir.
- Inspecter votre drain français régulièrement, surtout après de fortes pluies. Si vous remarquez des symptômes comme des eaux stagnantes près de votre maison ou une végétation moins verte dans certaines zones, cela pourrait indiquer un problème.
Les municipalités et la Ville de Montréal proposent des informations précieuses sur des travaux plus spécifiques et parfois même des aides financières.
Quand faire appel à un professionnel ?
Mario Hervieux a identifié trois drapeaux rouges qui nécessitent l’intervention d’un expert. L’eau sale ou boueuse (risque de contamination), les moisissures étendues (plus de 1 m²), et les murs qui s’effritent (signe de dégradation structurelle). « Ne perdez pas de temps à tout nettoyer vous-même si l’eau provient des égouts », insiste-t-il.
Un professionnel possède l’équipement adapté, déshumidificateurs professionnels, caméras thermiques, capteurs d’humidité. Ces outils permettent de détecter les infiltrations invisibles à l’œil nu. De plus, un expert connaît les normes de construction, les protocoles de décontamination et les exigences des assurances, essentiel pour une remise en état conforme et sécuritaire.
Les dégâts d’eau, c’est toujours un énorme stress, mais en suivant ces étapes simples et sécuritaires, vous éviterez bien des soucis et des coûts, à long terme.