Vendredi noir: stay calm and buy nothing !

Vendredi 27 novembre, le lendemain de l’Action de Grâce aux États-Unis, sera ce que les américains appellent Le black Friday. Un jour de soldes monstres dont la frénésie commence à envahir la planète. Voilà que le « vendredi fou » a fait son apparition ici aussi au Canada depuis quelques années et que le « black friday » tente de s’implanter en Europe. Pour réfléchir à cette surdose de consommation qui personnellement m’écoeure (50 milliards de dollars dépensés en une journée aux États Unis), j’ai demandé à une blogueuse dont j’admire la plume et les textes de me livrer ses réflexions sur le « black friday ». Nous partageons souvent les mêmes points de vue et j’avais envie de vous la présenter.

Il s’agit de Sarah Meublat qui tient deux super blogues, Une parisienne s’émerveille ainsi que Hey Flamingo. Sarah est aussi journaliste style de vie et auteure de guides de voyages. Voici le texte qu’elle vous offre….et qui touche en plein dans le mille ! J’espère qu’il vous donnera envie de lire ses blogs.

black friday vendredi noir Montréal

Confessions d’une ex-accro au shopping

Quand Stéphanie m’a proposé d’écrire sur le Black Friday et la frénésie de consommation qui va avec, j’ai accepté sans trop y penser. Le sujet résonnait sans trop savoir pourquoi. Et puis je me suis revue, il y a maintenant quelques années, jeune parisienne écopant les boutiques à la pause déjeuner, des sacs laissant leur marque sur le poignet.

C’est qu’avant de poser mes valises à Montréal, je vivais dans le centre de Paris. Mon bureau était l’une de ces petites pièces avec baie vitrée donnant dans la Bourse de Commerce. Juste au-dessus des Halles. Si l’image ne vous parle pas, imaginez une fourmilière en activité permanente. Imaginez des centaines et des centaines de magasins, qui pullulent autant dans les filaments de ruelles extérieures que dans les galeries commerciales qui s’enfoncent sous terre. Cinq niveaux de boutiques avec chacune leur playlist, chacune leur sélection du mois, leurs affiches qui sourient à pleines dents, leurs promos jaune fluo et leurs ventes flash. Un brouhaha bordélique dans lequel quiconque s’introduit se trouve absorbé jusqu’à en oublier la raison de sa venue. Et en ressort la mine grise, le regard hagard et le corps vidé de son énergie.

Car dans le Forum des Halles, ça crie, ça brade, ça allèche. Le meilleur et le pire de la mode dans une même bulle irréelle. De quoi brasser les esprits et faire flamber les cartes de crédit. À peine poussées les portes de cet antre de la consommation que le tempo s’accélère. La chasse au bon plan peut commencer. Les yeux guettent, scrutent la moindre pièce à adopter avec passion. La pièce qui passera en une seconde d’inconnue et discrète au «  graal à décrocher avant qu’une autre s’en empare ». C’est d’ailleurs là toute l’adrénaline du sport. Dénicher LA pièce qui fera baver d’envie la copine, le top si cool qu’il faudra bien trouver un bar où sortir samedi pour parader avec. Devant les racks qui s’étendent à perte de vue, la pression monte. Un cintre après l’autre, clap clap clap. Des centaines d’items passés en revue d’un coup de doigt. Mécaniquement. Chirurgicalement.

Arrêt sur image. Palpitation. La petite robe noire parfaite. Celle qu’on a déjà en 12 exemplaires mais qui provoque toujours la même émotion. Elle est parfaite ! Yes ! Yes ! Yes ! Et là, catastrophe…mais où est ma taille ? Comment ça vous n’en avez plus ? Vous voulez bien aller chercher en réserve ? Je peux vérifier dans les cabines d’essayage ? En une minute, l’excitation se transforme en obsession. La petite robe noire devient enjeu vital. Les stratégies s’enclenchent, le portable dans une main, la vendeuse au bout de l’autre. La jeune professionnelle vire à l’hystérie.

Ne parlons pas du rayon chaussures, temple de tous les désirs. Quelle étroitesse d’esprit de penser qu’une chaussure a été créée pour marcher ! Regardez ces adorables talons verts et argent vertigineux ! Évidemment que je ne pourrai jamais me promener avec, quelle idée ! Tu me prends pour Naomi Campbell ? Considère moi plutôt comme un mécène, une sauveuse d’œuvres d’art méprisées.

Voilà. La folle, c’était moi à la mi-vingtaine. Une accro au shopping non assumée. Qui dépensait un tiers de son budget mensuel en fringues canons, mais inutiles. Une somme de bons plans vite transformés en trou abyssal.

En embrassant la trentaine et en vivant à Montréal, j’ai pris conscience de ma dépendance pathétique à la-petite-pièce-pas-chère. J’ai compris le bonheur de redonner du sens aux objets. De sortir du cercle de la consommation matraquée et rythmée à coup de budgets publicitaires. D’inscrire mes envies dans la durée et non plus dans la satisfaction immédiate et fugace d’un appétit jamais comblé. De peser dans ma décision le coût invisible de mes achats. Je parle du coût social et humain. Le coût invisible et trop souvent nié de ce top-trop-cute à seulement 5,99 $. La course au toujours moins cher est une hérésie. Une insulte aux petites mains qui travaillent aux quatre coins du monde dans des conditions encore trop souvent déplorables.

Quand je vois la folie qui s’empare des magasins à l’horizon du Black Friday, je me revois plus jeune dans les sous-sols des Halles, et je me dis que le spectacle n’est décidément pas beau à voir. Je n’ai plus envie d’être cette fille régie par des pseudo besoins inscrits au calendrier commercial. Alors pour moi, le vendredi noir restera celui du 13 novembre 2015, mais certainement pas une course à l’achat irraisonné et inutile.

5 commentaires

    • Oui, du aux événements tragiques je crois que le terme black Friday ne pourra jamais s’implanter en France….ce qui est une bonne chose. Au moins vous allez échapper à une des pires traditions américaines, parce qu’ici au Canada on est hélas pas épargnés. Quoi que je lisais ce matin que la tendance se ralentit. Un mouvement « buy nothing » est en train de voir le jour.

  1. Merci Sarah Meublat!! Quel article qui voit juste! Pendant que j’écoute ta playlist d’automne, je savoure tes drôles et pertinents propos.

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